Comment le définir ?
Le sunburn art se définit comme un caprice comportemental solaire estival, à haut risque sanitaire. Ce n’est que le remake sans frontière d’un phénomène qui était déjà en vogue dans les années 1970 aux Etats Unis impulsé par le mouvement culturel du body art, sous la houlette de Denis Oppenheim, artiste contemporain conceptuel du land art et de l’ art corporel. Le sunburn art, est aujourd’hui réhabilité et exposé sous les feux de la magie contagieuse des réseaux sociaux (Facbook, Twitter, Instagram, vidéos prises dans des cabines de bronzage et diffusées sur You Tube etc.) qui font défiler sur les écrans ces images croustillantes et délétères. Il est l’expression d’un tatouage solaire aigu, éphémère, volontaire mais mimétique, sous influence de l’évangile socio-culturel des temps postmodernes.
Cette peinture épidermique solaire est réalisée sur un petit format, ou bien sur une surface maximale de 2m2, superficie moyenne de la peau, le plus grand organe humain. Le principe est d’exprimer un motif artistique sur la peau en le dessinant directement, et en utilisant une crème solaire comme un pochoir, seul le motif prendra le coup de soleil, soit sur une petite surface, ou plus dramatiquement sur une vaste étendue. Ici le motif sera pigmenté, l’inverse peut être réalisé.
Quels risques sanitaires ?
Les coups de soleils déclenchent un séisme cellulaire à l’origine d’une modification de notre ADN, favorisant dans un délai imprévisible la survenue de mutation cancérigène, et l’apparition des cancers cutanés. Nous consommons 50% de notre patrimoine solaire avant 20 ans. Ce sunburn art est réalisé lors d’une exposition solaire intense naturelle en plein air, ou bien dans des centres de bronzage artificiel, véritables salles de shoot à UV encore autorisées en France, et définitivement interdites en Australie et au Brésil. Ces temples solaires sont de véritables fabriques à cancers cutanés en croissance exponentielle. Plus de 90000 cancers cutanés sont diagnostiqués par an en France, 11000 mélanomes sont décelés avec une mortalité moyenne de 1900 patients. Voilà la dramatique réalité épidémiologique contemporaine des excès de consommation solaire, malgré les campagnes de prévention menées par les dermatologues français lors des journées nationales de dépistage des cancers cutanés dont la dernière édition était le jeudi 28 mai 2015. Le Réseau Mélanome Ouest officie dans la même mouvance, en pratiquant une prévention primaire et secondaire auprès du grand public et des professionnels de Santé : http://www.reseau-melanome-ouest.com/melanome/evaluez-testez-ameliorer-vos-connaissances-elearning.html
Peut-on expliquer sociologiquement ce comportement solaire ?
Il est impératif d’exprimer une apparence pétillante, techniquée, instrumentalisée, bronzée, tatouée, sunburnisée. « Être, c’est être maintenant », écrivait Marcel Conche. L’immanence, ou « le tout, tout de suite », exprime les nouveaux crédos de l’homo « consumérans » des temps postmodernes qui évolue dans son nouveau biotope sociétal, qu’est le présentéisme, et le mimétisme. La société du désir, du plaisir, du paraître, de la jouissance, du jeu, des « affoulements », des « tribus » nous convoque dans une consommation esthétique et ludique, immédiate, addictive et de plus en plus précoce, en proie à nous consumer prématurément, et dans le cas particulier, précipiter la survenue de cancers cutanés mortels, malgré la connaissance des risques encourus. Le soleil tue ! Notre Peau est aujourd’hui plongée dans la nébuleuse de l’hypermarché du paraitre, devenue ainsi « dépendante » de la turbo-marchandisation globale, et d’une nano-chronologie vertigineuse dans les expériences épidermiques dirait le philosophe de la vitesse Paul Virilio, comme si le temps s’accélérait.
Nous pouvons nous faire plaisir, sans se faire rôtir, sans flétrir, et ne pas dramatiquement périr. Il n’est pas question de se cloîtrer. Il faut retrouver du « bon sens » dirait Paul Valéry dans notre rapport anthropologique solaire contemporain, en nous re-connectant à notre filiation originelle intimiste avec le soleil. Optons pour une sobriété solaire heureuse et non risquée.
Patrick Moureaux
http://www.reseau-melanome-ouest.com/
http://sos-addictions.org/
Patrick Moureaux. Le Soleil dans la Peau. Editions Robert Laffont. 2012
Gilles Lipovetsky, Le bonheur paradoxal. Folio essais. 2011
Michel Maffésoli, L’homme postmoderne. Editions Bourin. 2011
Paul Virilio, Le Grand Accélérateur. Editons Galilée, 2010
Gilles Lipovetsky, Jean Serroy. L’esthétisation du monde. Gallimard. 2011
Pierre Rabhi. Vers la sobriété heureuse. Editions BABEL essai. 2013
François Cheng. Cinq méditations sur la beauté. Le livre de poche, 201