« La Peau est à l’image d’une étoffe précieuse, à la fois robuste et fragile, drapant notre corps et notre MOI. Elle tisse les frontières du temple de notre intériorité, ourlée d’une foultitude de boutonnières ouvertes sur notre berceau originel »1. Ce n’est pas seulement un organe de parure, c’est avant tout une interface interactive entre notre intériorité et notre matrice environnementale, c’est notre frontière unique avec le cosmos, elle est probablement née avec les premiers êtres unicellulaires. Une filiation ancestrale s’est tissée et va en partie expliquer l’intimité relationnelle entre le Soleil et l’Homo sapiens, qu’il fût préhistorique ou contemporain. Ce rapport est présent depuis nos origines, il est ambivalent, à la fois vital et risqué. Nous évoluerons dans un mouvement équilibriste face au soleil. Nous devrons apprécier les effets positifs bénéfiques et éviter les effets négatifs ; en quelque sorte il nous faudra résoudre l’équation suivante : comment se faire plaisir sans périr ? Nous avons survécu par ignorance sanitaire à l’impact bénéfique de ce lien sur notre évolution morphologique, physiologique, et aujourd’hui nous nous dirigeons vers « l’abîme » dirait Edgar Morin, malgré la saturation de notre connaissance des risques sanitaires. Aujourd’hui de façon paradoxale malgré une éducation à la Santé, l’Homo Sapiens des temps postmodernes avance dans une dynamique de soumission solaire et s’inscrit dans une spirale consumériste excessive, déconnectée de son biotope originel. Notre société « marchande » caractérise cette fuite accélérée de la temporalité. Nous sommes dans la culture du temps réduit, du temps comprimé ou zippé. Et par voie de conséquence du « Chrono Loisir » si cher à Gilles Lipovestky2, pouvant expliquer la prolifération et la fréquentation des centres de bronzage urbains. Cette forme de consommation artificielle résulte de l’externalisation de nos fonctions physiologiques initiales : se mouvoir, se nourrir, mémoriser, et compresser le temps. La sensation de chaleur pourrait être assimilée à un besoin physiologique comme la notion de faim ou de soif. La consommation solaire est progressive au début, naïve, professionnelle, ludique, en quelque sorte naturelle. Le plaisir intense ressenti propulsera dans un deuxième temps le consommateur dans une spirale solaire effrénée, non maitrisable jusqu’à « l’overdose solaire ».
Notre Peau est aujourd’hui plongée dans la nébuleuse de l’hypermarché du paraitre, devenue ainsi « dépendante ». Il est impératif d’exprimer un visage jeune et pétillant permanent. Le bronzage donne cette illusion.
Nous évoluons dans un temps médical adaptatif à notre iatrogénie comportementale, le paradoxe est que nous soignons les conséquences de nos excès tous azimuts.
Le temps est venu de réorienter notre discours dans le sens de « l’Ecologie médicale comportementale ». La santé ne concerne pas seulement la gouvernance thérapeutique standardisée, mais surtout la mise en place d’une stratégie anticipatrice à la maladie en initiant un respect « symbiotique » entre les milieux : naturel, artificiel et organique
Ce propos ne se veut en aucun cas le chantre thérapeutique moralisateur et culpabilisateur. Désormais je privilégie une dynamique pédagogique d’accompagnent en misant sur une éducation préventive précoce. Il ne faut pas évoluer vers une hyper-médicalisation anxiogène de notre quotidienneté. Il me semble de bon aloi de réinventer un comportement sanitaire notamment solaire responsable, agréable, ludique mais adapté, enseigné et non risqué.
Nous pouvons nous faire plaisir sans se flétrir et sans périr. Il ne s’agit pas de se cloitrer.
Patrick Moureaux
1 Le Soleil dans la Peau. Patrick Moureaux. éditions Robert Laffont
2 Le bonheur paradoxal. Gilles Lipovetsky. Folio essais